En moyenne, 10kg de protéines végétales sont utilisées pour produire 1kg de protéines animales.1 En effet, pour obtenir de la viande, il faut d'abord nourrir un animal : par exemple, il faut 13kg de céréales et 30kg de foin pour produire 1kg de viande de boeuf.2 En conséquence, la production d'aliments d'origine animale nécessite en moyenne beaucoup plus de ressources que la production d'aliments végétaux. Ce gaspillage de ressources est lourd de conséquences pour la planète et contribue à renforcer l'insécurité alimentaire mondiale.
Comme le soulignait le World Watch Institute dans son rapport de 20043, l'appétit des humains pour la chair animale menace à présent l'avenir de l'espèce humaine du fait des multiples dommages à l'environnement dont il est responsable : déforestation, érosion, épuisement des ressources d'eau douce, pollution de l'air et de l'eau, réchauffement climatique, réduction de la biodiversité, injustices sociales, développement de maladies. Malgré cela, la quantité de viande consommée par habitant a plus que doublé ces cinquante dernières années, alors même que la population mondiale s'est fortement accrue. De fait, la demande mondiale de viande a quintuplé, et cette tendance à la hausse devrait se poursuivre dans les prochaines années, exacerbant la pression exercée sur la disponibilité des aliments pour une part grandissante de l'humanité, mais aussi sur la disponibilité des terres, de l'eau, des énergies fossiles, tout en accentuant le problème du réchauffement climatique, de la pollution et des déchets.
Au cours des quatre dernières décennies, les terres agricoles ont gagné presque 500 Mha sur les forêts et les autres surfaces. On estime que seront convertis encore 500 Mha entre 1997 et 2020, principalement en Amérique latine et en Afrique sub-saharienne4. Les besoins en terre pour l'élevage en sont la principale cause. En effet, l’élevage est de très loin l'activité humaine la plus consommatrice de terres : il faut de 6 à 17 fois plus de surface de terre pour produire de la viande que pour produire du soja1. En conséquence, la production de bétail monopolise 70 % de toutes les terres agricoles et 30 % de la surface émergée de la planète. 70 % des terres auparavant couvertes de forêts en Amazonie sont occupées par des pâturages, et les cultures destinées à l'alimentation du bétail couvrent une large part des terres restantes.
En outre, le surpâturage provoque de graves problèmes d'érosion des sols, entraînant une baisse de leur fertilité. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) estime que 20% des terres à pâturage ont été sévèrement dégradées depuis 1945, et que la vitesse de cette destruction s'accroît de façon inquiétante. Les Etats-Unis, l'Amérique centrale et du sud, l'Australie et l'Afrique sub-saharienne sont tout particulièrement touchés par ce phénomène. Il faut 500 ans pour reconstituer 25mm de sol, soit beaucoup plus longtemps que la vitesse à laquelle ce sol est dégradé. En conséquence, la surface de terres arables disponibles est passée de 0,4ha par personne en 1961 à 0,25ha en 19995.
L'agriculture, dont principalement l'élevage, est l'activité humaine la plus consommatrice d'eau douce.
La production de 1kg de protéines animales peut nécessiter jusqu'à cent fois plus d'eau que la production d'1kg de protéines végétales. C'est pourquoi une alimentation basée sur des aliments végétaux requiert en moyenne 1 000 litres d'eau par jour, quand une alimentation à dominante carnée (alimentation occidentale standard) en requiert 15 000.
Le réchauffement climatique est causé par la consommation d'énergie, car les principales sources d'énergie utilisées par les humains sont des carburants riches en carbone dont la combustion émet du dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre. Il faut en moyenne 25kcalories d'énergie fossile pour produire 1 kcalorie de protéines animales. En comparaison, la production d'1kcalorie végétale ne requiert que 2,2kcalories d'énergie fossile, soit un ratio de 11 pour 12. Convertir des céréales en viande constitue donc une énorme perte énergétique responsable de l'aggravation de l'effet de serre. Mais l'élevage est également responsable d'émissions directes de méthane, un gaz à effet de serre plus redoutable encore que le CO2, produit par les flatulences des ruminants.
Au final, l'élevage est responsable de 80% des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture, ce qui correspond à 18% de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre des activités humaines (9% du CO2, 37% du méthane, 65% du N2O) 6
L’élevage est parmi l'une des plus importantes sources sectorielles de pollution de l’eau et de la terre.
Les humains pratiquent l'agriculture depuis environ 10 000 ans, mais ce n'est que depuis une cinquantaine d'années que les techniques agricoles reposent sur l'emploi massif de fertilisants chimiques de synthèse et de pesticides. Les récoltes n'absorbent qu'entre un tiers et la moitié de l'azote ainsi utilisé. Le restant infiltre et pollue les sols et l'eau. La plupart de ces substances chimiques sont utilisées pour la monoculture intensive dédiée à l'alimentation animale : d'après la FAO, la moitié des récoltes de céréales et 90% de celles de soja sont destinées à nourrir les animaux d'élevage. Si à la place ces surfaces agricoles étaient consacrées à produire des végétaux destinés à l'alimentation humaine, avec des modes de production soutenables incluant la rotation des cultures, la quantité de substances chimiques polluantes nécessaires serait considérablement réduite.
Dans les modes d'élevage traditionnels, les déjections animales ont un rôle important et sont utilisées dans le système de rotation des cultures afin de maintenir la qualité des sols. Mais dans le cadre de l'élevage intensif, très majoritaire dans les pays développés, et de plus en plus répandu dans les pays en développement, un trop grand nombre d'animaux sont confinés sur des surfaces réduites. En conséquence, la quantité de déjections produites outrepasse largement la capacité des écosystèmes environnants à les recycler. A titre indicatif, une vache laitère produit autant de déjections, en volume, que 20 à 40 humains...
Cela engendre d'importantes menaces sanitaires. En effet, 70 à 80% de l'azote et du phosphore contenus dans l'alimentation du bétail et des porcs (60% pour les poulets) sont rejetés dans leurs excréments et leurs urines qui contaminent ensuite les sols et les eaux.7 Fréquemment, dans les régions où est pratiqué l'élevage intensif, l'eau est ainsi rendue impropre à la consommation. Les contaminations bactériennes constituent une autre menace sanitaire liée à l'accumulation des déjections.
Enfin, l’élevage est responsable de 64 % des émissions d’ammoniaque, substance présente également dans les déjections animales, qui contribue aux pluies acides.
L'autre question qu'il convient de se poser lorsqu'on compare plusieurs modes alimentaires et leur impact environnemental, c'est celle de leurs conséquences sur la disponibilité alimentaire mondiale. Ou, plus simplement dit : combien d'humains pourraient être nourris avec une alimentation basée sur des végétaux ? Et avec une alimentation riche en produits animaux ?
Le problème de la sous-alimentation dans les pays pauvres est principalement lié à une difficulté d'accès à la nourriture, plutôt qu'à une production alimentaire insuffisante. La quantité d'aliments produits à l'échelle mondiale serait plus que suffisante pour nourrir l'ensemble de l'humanité. Mais une trop grande partie de ces aliments est utilisée pour nourrir le bétail au lieu de nourrir les humains nécessiteux. La quantité de céréales destinée aux animaux d'élevage des Etats-Unis serait à elle seule suffisante pour nourrir environ 840 millions de personnes ayant une alimentation basée sur des végétaux.2
Pourtant, la demande de viande et de lait ne cesse d'augmenter dans les pays en développement. L'Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires (IFPRI) et la FAO prévoient que d'ici 2020, la consommation de viande dans les pays en développement augmentera en moyenne de 43% par rapport au niveau de 1993, la consommation de lait augmentant de 30%. La part de la viande produite dans ces pays passera de 36 à 47% de la production mondiale (de 24 à 32% pour le lait).8 Or, comme cela a été vu plus haut, la conversion d'aliments végétaux en aliments animaux constitue un gâchis considérable de calories alimentaires.
Des organisations comme l'OMS, la FAO et la Banque Mondiale sont de plus en plus préoccupées par cette problématique. Dans un rapport de 2002, l'OMS et la FAO annonçaient déjà : « L'augmentation de la consommation de viande et de produits animaux dans des pays comme le Brésil ou la Chine, bien qu'elle reste nettement inférieure à la consommation des pays industrialisés, a des répercussions environnementales considérables. Le nombre de personnes pouvant être nourries par hectare et par an varie de 22 avec des pommes de terres et 19 avec du riz, à seulement 2 personnes avec de l'agneau et 1 personne avec du boeuf. De même, la satisfaction des besoins en eau vont constituer un enjeu majeur du XIXème siècle. Or les productions animales nécessitent beaucoup plus d'eau que les végétaux n'en ont besoin. »9
Dans les pays en développement, la part des récoltes dédiées à l'alimentation humaine décroit rapidement au profit des récoltes vouées à l'alimentation animale. Entre 1983 et 1993, la quantité de céréales utilisées pour l'élevage a augmenté de 4,2% par an. Pendant ce temps, la production de céréales dans ces pays n'a augmenté que le 2,3 % par an, les obligeant à importer des céréales pour satisfaire cette demande. Il est donc évident que détourner les productions intérieures de l'alimentation humaine vers l'alimentation animale ne peut qu'exacerber le problème de la sous-alimentation.
Dans les pays en développement, beaucoup de populations pauvres mangent correctement en consommant principalement des céréales, des légumineuses, des légumes et des fruits, et très peu voire pas du tout de produits d'origine animale. Cette alimentation couvre pourtant tous leurs besoins nutritionnels. A coût égal, il est possible de nourrir bien plus de personnes avec ce type d'alimentation qu'avec un régime incluant davantage de produits d'origine animale.
Les pays développés restent à l'heure actuelle les principaux responsables de l'insécurité alimentaire mondiale, étant les plus grands consommateurs de produits animaux. Si l'ensemble des pays riches réduisaient ne serait-ce que de 20% leur consommation de produits animaux, cela permettrait de compenser 4 ans de croissance démographique mondiale. Et les bénéfices pour la santé qui en résulteraient permettraient d'autre part de réduire considérablement les dépenses de santé de ces pays.
Face à la pression démographique actuelle (9 milliards d'humains en 2050 d'après l'ONU), alors que près d'un milliard d'humains souffrent déjà de la faim, opter pour une alimentation basée sur les végétaux permettrait de lutter contre le problème de l'insécurité alimentaire tout en épargnant des dommages irréversibles à l'environnement. Or, l'épuisement des ressources de la planète déclencherait des conflits sans précédent et mettrait en péril le maintien de la vie sur terre.
Vouloir solutionner les problèmes actuels de santé publique n'a donc pas grand sens si l'on ne s'attache pas, avant tout, à oeuvrer pour faire évoluer des modes alimentaires qui, en plus d'être responsables de l'apparition de maladies pour les uns, ne font que creuser les inégalités d'accès aux ressources alimentaires, et menacent plus généralement la survie de l'espèce humaine à moyen terme.